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Au lieu d’un château-fort dressé au milieu des
terres, pensons plutôt à l’armée des étoiles jetée dans le ciel.
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NOTRE
GRANDE SIMONE WEIL CONTINUE À PARLER DU PROGRÈS.
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"On
peut tout accorder au Progrès, car on ignore tout à fait ce qu’il demande. Qui
a jamais tenté de définir un progrès ? Si l’on proposait ce thème dans un
concours, il serait sans doute instructif et amusant de comparer les formules.
Je propose la définition que voici, la seule à mon avis satisfaisante et qui s’applique
à tous les cas : on dit qu’il y a progrès toutes les fois que les
statisticiens peuvent, après avoir dressé des statistiques comparées, en tirer
une fonction qui croit avec le temps. S’il y a en France ― simple supposition ―
deux fois plus d’hôpitaux qu’il y a vingt ans, trois fois plus qu’il y a
quarante ans, il y a progrès. S’il y a deux, trois fois plus d’automobiles, il
y a progrès. S’il y a trois fois plus de canons, il y a progrès. S’il y a deux,
trois fois plus de cas de tuberculose… mais non, cet exemple ne conviendra que
le jour où on fabriquera de la tuberculose. Il convient d’ajouter à la
définition ci-dessus que la fonction doit exprimer l’accroissement des choses
fabriquées.
In
Simone WEIL.
Fragment intitulé Progrès et Production rédigé sans doute pour une rubrique des Nouveaux Cahiers. (Page 398.)
Écrits historiques et politiques. Collection Espoir, fondée par Albert CAMUS.
Gallimard, Paris, 1960.
Fragment intitulé Progrès et Production rédigé sans doute pour une rubrique des Nouveaux Cahiers. (Page 398.)
Écrits historiques et politiques. Collection Espoir, fondée par Albert CAMUS.
Gallimard, Paris, 1960.
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CONTREPOINT
DE RENÉ GUÉNON.
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"Dans
toute civilisation traditionnelle, comme nous l’avons déjà dit bien souvent,
toute activité de l’homme, quelle qu’elle soit est toujours considérée comme
dérivant essentiellement des principes ; cela, qui est normalement vrai
pour les sciences, l’est tout autant pour les arts et les métiers, et
d’ailleurs il y a alors une étroite connexion entre ceux-ci est celles-là, car,
suivant la formule posée en axiome fondamental par les constructeurs du moyen
âge, ars sine scientia nihil, par
quoi il faut entendre évidemment la science traditionnelle, et non point la
science profane, dont l’application ne peut donner naissance à rien d’autre
qu’à l’industrie moderne. Par ce rattachement aux principes, l’activité humaine
est comme « transformée », pourrait-on dire, et, au lieu d’être
réduite à ce qu’elle est en tant que simple manifestation extérieure (ce qui
est en somme le point de vue profane), elle est intégrée à la tradition et
constitue, pour celui qui l’accomplit, un moyen de participer effectivement à
celle-ci, ce qui revient à dire qu’elle revêt un caractère proprement
« sacré » et « rituel ». C’est pourquoi on a pu dire que,
dans une telle civilisation, « chaque occupation est un
sacerdoce » ; pour éviter de donner à ce dernier terme une extension
quelque peu impropre, sinon tout à fait abusive, nous dirons plutôt qu’elle
possède en elle-même le caractère qui, lorsqu’on a fait une distinction de
« sacré » et de « profane » qui n’existait nullement à
l’origine, n’a plus été conservé que par les seules fonctions sacerdotales.
"Pour se rendre compte de ce
caractère « sacré » de l’activité humaine tout entière, même au
simple point de vue extérieur ou, si l’on veut, exotérique, si l’on envisage,
par exemple, une civilisation telle que la civilisation islamique, ou la
civilisation chrétienne du moyen âge, rien n’est plus facile que de constater
que les actes les plus ordinaires de l’existence y ont toujours quelque chose
de « religieux ». C’est que, là, la religion n’est point une chose
restreinte et étroitement bornée qui occupe une place à part, sans aucune
influence effective sur tout le reste, comme elle l’est pour les Occidentaux
modernes (pour ceux du moins qui consentent encore à admettre une
religion) ; au contraire, elle pénètre toute l’existence de l’être humain,
ou, pour mieux dire, tout ce qui constitue cette existence, et en particulier
la vie sociale proprement dite, se trouve comme englobé dans son domaine, si
bien que, dans de telles conditions, il ne peut y avoir en réalité rien de
« profane », sauf pour ceux qui, pour une raison ou pour une autre,
sont en dehors de la tradition, et dont le cas ne représente alors qu’une
simple anomalie. Ailleurs, où le nom de « religion » ne peut plus
proprement s’appliquer à la forme de la civilisation considérée, il n’y en a
pas moins une législation traditionnelle et « sacrée » qui, tout en
ayant des caractères différents, remplit exactement les mêmes rôles ; ces
considérations peuvent donc s’appliquer à toute civilisation traditionnelle
sans exception. Mais il y a encore quelque chose de plus : si nous passons
de l’exotérisme à l’ésotérisme (nous employons ici ces mots pour plus de
commodité, bien qu’ils ne conviennent pas avec une égale rigueur à tous les
cas), nous constatons, très généralement, l’existence d’une initiation liée aux
métiers et prenant ceux-ci pour base ou pour « support » ; il
faut donc que ces métiers soient susceptibles d’une signification supérieure et
plus profonde, pour pouvoir effectivement fournir une voie d’accès au domaine
initiatique, et c’est évidemment encore en raison de leur caractères
essentiellement qualitatif qu’une telle chose est possible."
In
René GUÉNON.
Le règne de la quantité et les signes
des temps. (Collection "Tradition".) Édition définitive établie sous
l’égide de la Fondation René Guénon. (Page 66.)
Gallimard, Paris, 2015.
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COMMENTAIRES.
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Envisagé sous l’angle de la Quantité,
comme le dit magistralement Simone WEIL, le progrès conçu comme un accroissement
des choses produites, fabriquées, ne pouvait aboutir qu’à cette société
industrielle post-moderne, où, par exemple, l’influence de la France dans le monde se mesure
à l’aune du nombre de visiteurs étrangers fabriqués par les Tour Operator lesquels, usage symbolique
très caractéristique, sont des agents actifs de l’Industrie du Tourisme.
On peut étendre indéfiniment cette notion du Progrès
perçu comme un accroissement des choses produites (ou vendues, ou transportées,
en incluant alors dans cette catégorie les êtres humains considérés comme des
anonymes interchangeables, comme des colis) à tous ce qui nous est raconté par les médias.
Et bien c’est de ce monde-là que les
peuples ne veulent plus, n’en déplaise aux mondialistes, aux économistes
patentés, au quantificateurs de Bercy ou du FMI ou de je ne quel organisme du
genre ONU, OMC, etc. C’est que les gens simples, qui n’ont pas fait l’ENA ou un
MBA aux États-Unis ou au Royaume-Uni ne peuvent plus supporter. Ils vivent encore
– pour combien de temps, là est la question – dans un monde peuplé de symboles,
de principes d’action, de valeurs, un monde de qualité, un monde qui a gardé un caractère sacré, le caractère de la VIE.
C’est un monde que le parieur bénédictin
peut prendre à sa charge et peut ensemencer avec la graine de la Bonne Nouvelle
et renouveler de fond en comble. Il ne s'agit pas, encore une fois, de maudire, mais de voir le REEL.
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