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Je viens d’achever la lecture de la nouvelle de Hukio MISHIMA, La mort de Radiguet. (Traduit du
japonais par Dominique PALMÉ. En édition bilingue. Galimard/ Gibert Joseph,
Paris, 2012.)
C’est un pur chef d’œuvre. On y voit se mouvoir Jean COCTEAU, bien sûr,
mais aussi Max JACOB, et Raymond RADIGUET à l’agonie. La traduction est
superbe. J’ai eu envie d’en connaître un peu plus sur RADIGUET qui fut l’ami de
COCTEAU (et non pas l’amant, semble-t-il, car RADIGUET a eu plusieurs conquêtes
féminines, dont la première a inspiré le premier de ses deux uniques romans Le diable au corps ; mais ce point est parfaitement négligeable).
Au cours de mes recherches, je suis tombé sur ce texte paru dans le premier
numéro du Coq. Je vous le livre,
tant il est extraordinaire de talent et de lucidité. Je l''ai trouvé sur
le site Vexilla Galliae. Il est précédé d’une petite notice, en tous points
admirable, signée d’Alphée PRISME. Vous avez le tout pour le prix d’un seule
billet !
"Quand Raymond Radiguet juge Voltaire et les modernes
Pourfendeuse du
« décalé » avant la lettre, ce sinistre épithète fourre-tout (mais
surtout impuissant fourre-rien) dont on affuble chaque médiocre animateur télé,
écrivaillon autocentré, faiseur de niaiserie cinématographique (prudemment
testée – faut pas déconner avec l’industrie – en pastille sur canaille+ avant
de lâcher les chiennes, ou plutôt les Connasses
sur grand écran), théâtreux rostandophile, traducto-plagiaire des one-man-stand-up-show étasuniens
bas de gamme (bad game en bon français?),
cette étoile qui a filé trop vite proposait aux lecteurs du Coq cet édifiant texte paru il y
a tout juste quatre-vingt-quinze ans.
Pas une ride à déclarer. Pas une goutte de botox à seringuer. Non, c’est le
docteur Radiguet qui scalpe gratis.
Alphée
Prisme"
"Depuis 1789, on me force à penser.
J’en ai mal à la tête.
Je ne suis pas de ceux qui surnomment la France patrie de Voltaire.
Persuadé qu’il faut, le plus souvent possible, penser comme tout le monde, je
m’excuse, ironie mise à part, de ne pas faire preuve d’ « esprit
concierge », car, ici, ma concierge intervient :
– Vous vous croyez nationaliste et vous blâmez Voltaire, le plus
français de nos auteurs.
Il suffit de savoir de quel côté sont les véritables.
A force de philosopher dans les journaux du matin et du soir, combien
de chroniqueurs se croient devenus des penseurs. La gloire de Voltaire les y
autorise.
Ronsard, Racine, qu’on accusera d’hellénisme tant qu’ils vivront, sont
purement français.
De nouveau, après un long interrègne, nous possédons quelques artistes
« français ». Peintres, ils peignent des objets familiers. Musiciens,
ils se promènent à la fête de Montmartre. Poètes (j’en connais deux ou trois),
ils ne découvrent plus l’Amérique, et les lieux communs ne leur font pas peur.
Une machine chasse l’autre. D’ici peu, les locomotives sortiront de la vie. Le
dimanche on mènera les enfants au musée voir ces machines remplacées par de
plus rapides. Ce que pouvait signifier « gothique » au temps du
romantisme, « moderne » le signifie de nos jours. Et comme le dit
judicieusement M. Henry Bidou, « le bar américain, le tango et les
tatouages maoris sont à notre temps ce que le clair de lune, les tours en ruine
et la viole des troubadours furent au romantisme : on n’en voit presque aucun
souvenir dans les grandes œuvres romantiques ».
Musset fit son œuvre sans se préoccuper du romantisme. De même Jean
Cocteau écrit sans viser au modernisme. Il y a en lui assez de nouveauté pour
qu’il puisse se permettre de respirer une rose. On en pourrait dire autant du
peintre Roger de La Fresnaye. Les images qui paraîtront avec Tambour de Jean Cocteau, sont un chef
d’œuvre de clarté, de grâce et d’équilibre. Elles ont des équivalents en
musique : les chansons parisiennes de Francis Poulenc, Cocardes, et le Fox-Trot de Georges Auric, intentionnellement
intitulé : Adieu New York!."
Raymond
Radiguet (Le Coq n°1, mai 1920).
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