mardi 20 août 2019

Mardi 20 août 2019. Chesterton nous explique tout en quelques mots !


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L’HOMME NE VIT PAS QUE DE PAIN : L’ÉCONOMISME VOUE LE POLITIQUE À l’ÉCHEC.
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"[…]. Que l’homme ne puisse pas vivre sans pain n’implique pas qu’il vive seulement de pain. Il lui est naturel de se préoccuper beaucoup moins des mécanismes économiques qui, lui procurant son pain quotidien, assurent son existence, que de cette existence elle-même, de l’univers où il s’éveille chaque matin, de la place qu’il y tient. Ce n’est pas sa subsistance qui le préoccupe le plus, mais son existence. Pour une fois où il se représentera clairement ce que lui rapporte son travail et ce que lui coûte sa nourriture, il lui arrivera dix fois de se dire qu’il fait beau, que le monde est bizarre, que la vie vaut d’être vécue, que le mariage n’est pas toujours rose, que les enfants sont gentils, mais que sa jeunesse était plus gaie, bref de méditer vaguement sur le mystère de la vie humaine. Ce que je viens de dire est vrai de la plupart des esclaves à gage de notre monde industriel qui, par son horreur et son inhumanité, a réussi à rendre réellement primordiale la question économique, mais l’est infiniment plus de la multitude innombrable de paysans, de chasseurs, de pêcheurs qui forment encore la plus grande partie de l’humanité. Même les cuistres qui font dépendre la morale de l’économie suppose l’existence. L’existence implique une foule d’interrogation mais, d’ordinaire, nous songeons plus souvent à son sens qu’à ses moyens. La preuve de ce que j’avance est simple, simple comme le suicide. Abolissez l’univers par l’imagination, vous abolirez du même coup les professeurs d’économie politique ; si vous avez décidé de mourir, vous n’avez plus besoin qu’ils vous apprennent comment vivre. Toutes les initiatives et toutes les décisions qui forment le cours de notre histoire ont eu ce caractère commun d’enrayer le cours purement économique des choses. De même que l’économiste peut se dispenser de calculer l’augmentation du salaire du suicidé, il peut omettre de calculer la retraite du martyr. Et de même qu’il est inutile qu’il calcule la pension du martyr, il est inutile qu’il calcule les allocations familiales du moine. Les plans de l’économie sont, à chaque instant, remis en question par le soldat qui meurt pour son pays, par le paysan qui laboure son champ, par le converti qui s’exerce à suivre les préceptes de sa religion, ce qui ne relève pas d’une comptabilité des moyens de subsister, mais d’une vision du sens de l’existence ― de ce que l’homme ressent au fond de lui-même quand il regarde à travers ces étranges fenêtres qu’on appelle des yeux, cet étrange spectacle qu’on appelle le monde."
G[ilbert] K[eith] CHESTERTON.
L’homme éternel. 2e édition, 2e tirage (nouvelle traduction).
Dominique Martin, Bouère, 2012 (Page 145).
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COMMENTAIRES.
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Il y a bien longtemps que je ne vous ai pas cité CHESTERTON. Ce n’est pas parce qu’il fut un catholique fervent, consécutivement à sa conversion, que j’y reviens  aujourd’hui. Non ! C’est parce qu’il pense bien, juste, droit et fort et que nous avons besoin de nous voir redites quelques essentielles vérités.
Je vous invite, toute affaire cessante, à lire ce livre qui mêle à l’humour britannique de son auteur, des analyses saisissantes de clarté et d’évidence. CHESTERTON a un regard d’enfant. Il fuit l’idéologie et le mensonge mondain. Relisez bien ce passage. N’est-il pas évident que les oppositions, les contestations, les manifestations de nombreux Français à la politique actuelle, touchent justement au sens qu’ils entendent donner à leur vie. Jamais, vous entendez, jamais nous ne devrons laisser à des pensées dictatoriales le soin de nous dire quel il est. Le sens de la vie, ce n’est pas la mort donnée ou demandée ou administrée légalement ; le sens de la vie, ce n’est la pure jouissance sexuelle qui néglige les conséquences de sa propre jouissance. Le sens de la vie, ce n’est pas madame SCHIAPPA, monsieur TOURAINE ou je ne sais quel homme ou femme politique qui nous l’imposera.
Il est exact qu’il ne peut y avoir de grâce divine ancrée dans l’homme si les besoins de sa nature (se nourrir, se loger, se chauffer, élever ses enfants, accéder à la culture) ne sont pas satisfaits. Quand ils le sont, c’est alors que surgit la question du sens de la vie, de l’existence, les interrogations sur le monde. Négliger cet aspect de la vie humaine, c’est faire de la politique à moitié ou faire une politique vouée nécessairement à l'échec. C’est, notamment, comme le disent des sociologues qui ne sont pas tous de droite, faire fi de la subjectivité sociale, laquelle comporte justement une grande part de conception de ce qu'est l'existence, dans sa double dimension personnelle et relationnelle.



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