La tempête souffle sur les médias et le monde politique, de droite ou de gôôôôche, après la décision qu'a prise un Tribunal de Lille d'annuler un mariage, pour motif d'erreur substantielle. On rappelle, mais qui ne le sait, qu'il s'agissait, à la demande conjointe des deux époux, de déclarer nulle cette union, car l'épouse reconnaissait avoir menti, en n'ayant pas dit à son futur, avant le mariage, qu'elle n'était plus vierge.
Il me semble que tout le monde, responsables politiques, journalistes, comme simples citoyens, peut tomber d'accord sur un point essentiel : le consentement au mariage doit être libre et éclairé. La question est donc la suivante : monsieur X... qui a demandé l'annulation se serait-il marié s'il avait su que sa fiancée n'était plus vierge ? Nous n'avons pas à nous poser la question de la sincérité ou de l'opportunisme du requérant ; nous avons, en droit strict, et dans le droit fil du bon sens, à nous poser seulement la question de la validité d'un engagement pris en ignorance de causes.
Pour mieux comprendre ce que signifie cette question, changeons en l'un des termes. Si au lieu de virginité, il s'était agi de séropositivité, ou de l'existence de troubles mentaux ou d'une maladie génétique ou de stérilité (connue de la jeune femme et diagnostiquée), aurions-nous réagi de la même manière ? Mentir sur ce sujet eût paru sans doute être un mensonge tel qu'il aurait justifié la nullité. La question qui vient donc après est la suivante : pourquoi la virginité aurait-elle un statut différent de la maladie, alors qu'elle relève d'une dimension tout aussi importante, la sexualité, que celle du corps malade.
Madame Rachida DATI, une femme absolument remarquable, et critiquée de tous côtés, sans doute parce qu'aux médiocres et aux envieux(ses ! ) elle fait de l'ombre, aussi bien par son élégance naturelle que par ses compétences, avait d'abord soutenu la décision du juge. Mais à sa demande, sous la pression des médias et de l'opinion, le procureur de Lille a interjeté appel, mardi 3 juin, du jugement du tribunal de grande instance. L'annonce de l'annulation de ce mariage a provoqué une vive émotion, notamment parmi les défenseurs des droits des femmes.
Que dit la chancellerie pour justifier ce revirement : "L'annulation d'un mariage par le tribunal de grande instance de Lille a provoqué un vif débat de société. Cette affaire privée dépasse la relation entre deux personnes et concerne l'ensemble des citoyens de notre pays, et notamment les femmes".
A mon grand regret, je suis obligé de dire, de redire, et d'affirmer que cette affaire relève de l'intimité des époux et de leur conscience, et non d'une affaire de société. Les belles consciences ne s'offusquent point de voir dans le métro, de plus en plus nombreuses, des femmes emprisonnées dans des robes noires qui leur tombent aux chevilles quand elles ne couvrent pas leurs chaussures, et dont les yeux sont à peine visibles tant ils sont coincés entre un bandeau frontal et une sorte de masque qui ne laisse deviner que le nez. On peut imaginer deux et même trois explications à ce qui nous paraît une extravagance qui fait violence à la féminité : (a) la contrainte familiale ; (b) le poids de la tradition ; (c) l'assentiment personnel. Est-ce à nous de juger ? Oui, si la preuve est faite qu'il y a violence. Non dans le cas contraire. C'est bien là tout le problème. L'état n'a pas à intervenir par la Loi dans le domaine privé.
Pour Jules, pseudonyme d'un juriste blogueur, le problème n'est pas aussi simple. "Le droit ne dit pas quelles sont les qualités que doit réunir une personne pour faire un(e) bon(ne) époux(-se). Il se contente d'apprécier, concrètement, quelles qualités ont déterminé le choix concret d'une personne. (...) L'appréciation des 'qualités essentielles', donc, est subjective", explique-t-il.
En ce sens, la position du TGI de Lille "témoigne d'un grand libéralisme", du point de vue de Jules. "Un tel libéralisme est-il supportable ? s'interroge-t-il. Car laisser l'individu maître de ses critères maritaux peut conduire à tenir compte d'éléments de la personne que le droit sanctionne par ailleurs. Ainsi, pour aller au plus brutal, de l'appartenance vraie ou supposée à une race, une ethnie ou une religion."
Sur ce point-là, la jurisprudence semble encore être flottante. Une décision du TGI du Mans, citée par Jules, avait ainsi établi une liste de qualités qui ne devaient pas apparaître comme essentielles, comme la race et... la virginité. "On voit bien là que le droit hésite entre une conception classique du mariage soumis aux impératifs de la société et la tendance (post-) moderne, qui est de le livrer à l'empire des aspirations individuelles".
Selon moi, cette dernière décision fait litière de ce que j'appelle le consentement libre et éclairé et le commentaire de Jules, dans sa référence à l'empire des aspirations individuelles propre au post-modernisme, est inappropriée : en effet, si la situation concrète d'un ou d'une future est tue, et que, connue de l'autre partie, elle eût entraîné la rupture des fiançailles, il y a "ruse et dol" et "erreur substantielle sur la personne". Je conviens que la preuve d'un tel état d'esprit est difficile à apporter, mais non point impossible. Que messieurs les députés s'occupent de leurs oignons et non point des choix de conscience de leurs concitoyens. Qu'ils continuent ainsi, et nous allons droit à la tyrannie du politiquement correct, et du totalitarisme.
C'est une grande conquête des Grecs, et non point des tendances (post-) modernes : les droits de la conscience sont supérieurs à ceux du tyran, quand, ils demandent à s'exercer dans le respect des choix de conscience d'autrui et qu'ils ne lèsent pas celui-ci. Antigone aura toujours raison contre Créon.
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