lundi 9 juin 2008

L'entendement et la volonté

Immense PASCAL que son génie même a fait enfermer par les médiocres puissants du siècle présent, dans les oubliettes de la ringardise ! Mais il ne suffit que de le lire pour être convaincu de la justesse de ses pensées. En voilà une qui explique la différence entre entendement et volonté, entre réalisme et idéalisme, entre vérité et système.
Personne n'ignore qu'il y a deux entrées par où les opinions s'insinuent dans l'âme, qui sont ces deux principales puissances : l'entendement et la volonté. La plus naturelle est celle de l'entendement ; car on ne devrait jamais consentir qu'aux vérités démontrées : mais la plus ordinaire, quoique contre la nature, est celle de la volonté ; car tout ce qu'il y a d'hommes, sont presque toujours emportés à croire, non pas par la preuve, mais par l'agrément. Cette voie est basse, indigne et étrangère : aussi tout le monde la désavoue. Chacun fait profession de ne croire, et même de n'aimer que ce qu'il sait le mériter.[...) Ces puissances ont chacune leurs principes et les premiers moteurs de leurs actions.
Ceux de l'esprit sont des vérités naturelles et connues à tout le monde, comme le tout est plus grand que sa partie, outre plusieurs axiomes particuliers, que les uns reçoivent, et non pas d'autres ; mais qui, dès qu'ils sont admis, sont aussi puissants, quoique faux, pour emporter la croyance, que les plus véritables.
Le propre des idéologies actuelles qui toutes portent un nom se terminant en ISME est de feindre, ou de convaincre, qu'elles sont fondées sur l'entendement alors qu'elles le sont sur la volonté (puissance qui nous fait agir), et d'admettre comme des axiomes évidents, des intuitions ou des idées dont la seule justification est de s'accorder à la volonté, entendue comme puissance d'action en vue de la satisfaction d'un désir.
Ceux de la volonté sont de certains désirs naturels et communs à tous les hommes, comme le désir d'être heureux, que personne ne peut ne pas avoir, outre plusieurs objets particuliers que chacun suit pour y arriver et qui ayant la force de nous plaire, sont aussi forts, quoique pernicieux en effet, pour faire agir la volonté, que s'ils faisaient son véritable bonheur.[...] Les principes du plaisir se sont pas fermes et stables. Ils sont divers en tous les hommes, et variables en chaque particulier, avec une telle diversité, qu'il n'y a point d'homme plus différent d'un autre que soi-même, dans les divers temps.
PASCAL expliquera dans la suite de ce texte, en un paragraphe consacré à L'Art de persuader (qui, dit-il, n'est proprement que la conduites des preuves méthodiques et parfaites) que la persuasion passe par trois parties essentielles : expliquer les termes dont on doit se servir, par des définitions claires ; proposer des axiomes ou principes évidents, pour prouver les choses dont il s'agit ; substituer toujours mentalement dans la démonstration, les définitions à la place des définis.
Le propre des idéologies actuelles est d'utiliser des mots entendus différemment par les interlocuteurs politiques, économiques, par les acteurs sociaux, en faisant semblant de croire qu'ils s'accordent tous sur leurs définitions : ainsi en est-il du mot LIBÉRALISME, ou du mot SOCIALISME (il serait malhonnête de ne pas souligner les erreurs, insinuations infondées, imputations irresponsables que font les ennemis de ce système. Mais l'un des grands problèmes du socialisme, et des socialistes est qu'ils entendent bien des choses différentes derrière ce mot. ils l'utilisent cependant, tous, sans ignorer la duperie et en écartant ainsi les problèmes de fond. L'une des grands contradiction du libéralisme et des libéraux est de confondre liberté d'entreprendre et liberté de ruiner les pauvres ou les faibles par la spéculation financière).
Dans ce texte extraordinaire, PASCAL a pressenti HABERMAS et René GIRARD, et l'on peut dire qu'il a précédé DESCARTES sans tomber dans l'idéalisme ou le rationalisme. Il substitue à la raison cartésienne, le raisonnement méthodique. C'est mieux.
Dans l'état où se trouve notre patrie, ne se trouvera-t-il point d'hommes pour admettre ces vérités si simples énoncées dans les trois principes de l'Art de persuader ? Faudra-t-il que le goût du pouvoir passe avant celui du bien commun, que le service de ses idées, passe avant la soumission à l'évidence ?

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