mardi 3 juin 2008

La grande Sartreuse et les reconstructeurs

Je ne résiste pas au plaisir de porter à votre connaissance l'opinion qu'un grand romancier polonais porte sur l'un de nos écrivains qui fut des plus en vue dans les salons germano-pratins et qui exerce encore un magistère non négligeable dans les salons bobos contemporains. Antoni LIBERA n'est pas tendre avec Simone de BEAUVOIR. Il met dans la bouche de l'un de ses héros, les propos que voici, sur celle que des mauvaises langues appelaient la grande Sartreuse.
Les ouvrages de Simone de BEAUVOIR avaient été traduits en polonais et j'en avais lu quelques uns : les deux premiers volumes du cycle autobiographique ("Les Mémoires d'un jeune fille rangée" et "La force de l'âge"). Pour dire vrai, ces livre ne m'avait guère plu. Je n'avais pas apprécié leur style verbeux ni leur rationalisme quelque peu grotesque, qui allait parfois de pair avec une exaltation irritante. Il me fallait cependant admettre que ces ouvrages m'avaient apporté une certaine connaissance de la psychologie féminine et, surtout, des moeurs et de la vie intellectuelle du microcosme existentialiste parisien.
La lecture de ces livres m'avait laissé l'image d'une femme cultivée, qui se complaisait à étaler son savoir, une femme qui avait rejeté tout compromis et tourné le dos aux valeurs de la "culture bourgeoise", pour privilégier l'intensité de l'expérience vécue, bref, pour mener une vie "authentique". (...) Vivre authentiquement supposait, tout d'abord, un intérêt fervent et immodéré pour la politique sous toutes ses formes ; il fallait en permanence s'opposer à quelque chose, protester, s'opposer à ceci ou à cela. En règle général, cette attitude de révolte, terriblement tapageuse, ne coûtait pas bien cher à l'intéressée, au contraire, cela avait plutôt tendance à lui être profitable. (...) A la lecture de ces gros pavés, verbeux à l'excès, on pouvait croire que, depuis sa plus tendre enfance, Simone de Beauvoir vivait dans un état de vivisection permanent, traitant sa personne comme un objet d'investigation scientifique, et que son oeil intérieur guettait toute ses réactions, sans négliger de consigner le moindre détail.
Le héros de LIBERA consulte à Varsovie un universitaire du Département de Philologie Romane de l'Université et lui fait part de son intention d'étudier les oeuvres de Simone. Il s'attire cette réplique du maître :
"Pourquoi, alors que tu as le choix entre tant de choses belles et précieuses - des perles véritables, des saphirs, des diamants - t'obstines-tu à choisir le clinquant et les bijoux de la pacotille (sic). Alors pourquoi, avec cet immense trésor de la culture française, regorgeant de splendeurs et de vrais chefs-d'oeuvre, lorgnes-tu du côté du kitch, vers les fruits pourris de la décadence ? Simone de Beauvoir, voyez-vous ça... (...). Tu ne pouvais pas trouver pire. Avec ça, tu as atteint le fond ! Le fond du fond, même ! Tu ne le sens pas ? Tu ne le vois pas ? Peux-tu me dire ce qui te plaît là-dedans ? Je ne comprends pas d'ailleurs comment tu peux lire ça.
Vous vous demandez sans doute pourquoi je parle de Simone de BEAUVOIR maintenant ? La réponse est simple : elle me semble être le prophète de tous les maux qui accablent aujourd'hui les intellectuels français et la classe politique de gauche sur laquelle elle exerça et exerce encore, de conserve avec son mentor, une influence considérable : un déni des faits, une incapacité à penser à partir d'eux, une remarquable habileté à jongler avec les mots et à se mouvoir avec leur aimable concours dans des systèmes d'idées qui prétendent décrire tout le réel et avoir des solutions à tous les problèmes de l'humanité, une indifférence absolue à la douleur de tous ceux qui ne pensent pas comme eux, (les fameux ennemis de classe, les adversaires politiques). Simone de BAUVOIR et SARTRE ont couverts les monstruosités de STALINE ou de MAO au nom de leur utopie ravageuse et ils ont fait tache d'huile quant à leur système de philosophie politique. Il n'est que de voir comment madame ROYAL critique l'usage du mot libéralisme (sans s'interroger sur le contenu de ce qu'il décrit) par monsieur DELANOE ; il n'est que de prévoir l'effacement prévisible des sphères socialistes dirigeantes de Manuel VALLS qui a le malheur de partir des faits ; il n'est que d'apercevoir comment avec un mot, celui de "Reconstructeurs", messieurs FABIUS, MONTEBOURG, quelques amis de monsieur STRAUSS-KAHN, madame AUBRY, marient l'eau des uns avec le feu des autres, uniquement pour empêcher madame ROYAL et monsieur DELANOE d'être les seuls compétiteurs crédibles pour la course au premier secrétariat. L'oeil intérieur de ces messieurs et de ces dames est fixé sur les mouvements qu'inspire en leur coeur l'ascension de ces deux personnalités : pas eux ! pas ça ! On attend toujours les analyses et les propositions concrètes. Je crois qu'on peut attendre longtemps sauf pour ce qui est de la contestation, opposition, critique, rébellion contre ceci et contre cela, si bien décrites par Antoni LIBERA.
Je préfère François d'ASSISE, Charles de FOUCAULD ou Eve LAVALIERE. Ils ne se sont pas payé de mots. Embrassant la pauvreté, l'humilité, la charité et la prière, eux, ils ont VRAIMENT changé le monde.
Antoni LIBERA.
Madame.
Roman traduit du polonais par Grozyna ERHARD.
Buchet/Chastel, Paris, 2004.
(Cet auteur a été persécuté par le régime communiste polonais sous lequel il écrivit le roman sus-cité).

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