Soeur Emmanuelle (il est inutile de la présenter) va avoir bientôt cent ans (le 16 novembre). Elle a la tête sur les épaules, et elle dit tout crûment un certain nombre de vérités au journaliste de Métro qui l'interroge aujourd'hui. Excellent article au demeurant. J'en critiquerai simplement le chapeau ; on y déclare que soeur Emmanuelle a consacré sa vie à aider les plus démunis. Non, soeur Emmanuelle a consacré sa vie à aider les pauvres.
A la question que je résume et qui porte sur l'immigration, soeur Emmanuelle répond ceci (et, sans me vanter, je ne cesse de dire la même chose dans les billets que je consacre à cette question) :
Tant que l'on aura pas compris qu'il faut aider les populations à s'en sortir, on n'évitera jamais qu'une horde d'homme affamés cherchent à survivre dans les pays riches. Au lieu de mettre un barrage pour qu'ils n'entrent pas, de repousser les immigrés qui ont fait le voyage, il faut les aider chez eux à se développer par tous les moyens. C'est absurde, en France on donne de l'argent aux paysans pour qu'ils vendent moins cher, mais cela ruine l'agriculture du tiers-monde. Il faut arrêter de se mettre un bandeau sur les yeux.
C'est l'évidence même. Je n'ai jamais cessé de dire que pour lutter contre la pauvreté des pays du tiers monde, il faut payer leurs produits au prix où nous exigerions, nous, qu'ils le fussent si nous en étions les producteurs. Ceci revient à dire que nous devons accepter de payer le café, le cacao, ou les matières première à un prix raisonnable, en jugulant la spéculation des intermédiaires ; ils se payent grassement en ne faisant que téléphoner leurs ordres d'achat, et sans jamais voir la marchandise qu'ils achètent et revendent. Est-ce vraiment cela, travailler ? La vie augmenterait ? Peut-être, mais pas sûr, et l'on épuiserait moins vite les ressources de la planète, on limiterait l'afflux de miséreux qui cherchent à survivre (et c'est leur devoir) et le développement de la violence et du crime dans les pays qui les voient affluer car ceux-ci ne font rien pour enrichir les pays d'où ils viennent.
A la question : "Vous dites souvent que le développement, ce n'est pas l'assistanat..", soeur Emmanuelle répond
L'assistanat, c'est horrible. Je suis tombée dans le panneau la première fois que j'ai travaillé avec les chiffoniers du CAIRE. J'allais tous les sortir de là ! Quelle erreur... Il fallait d'abord écouter leurs souffrances et leurs désirs. Maintenant, mon association les aide sur un pied d'égalité. Nous, Européens, nous ne sommes pas supérieurs aux autres. Dans chaque pays pauvre, il y a des trésors, des forces, des envies. Dès qu'on leur tend la main, qu'on marche ensemble, en cordée, en respectant les identités, on obtient des résultats extraordinaires.
Ce qui me paraît tout à fait intéressant dans ces propos, c'est que soeur Emmanuelle parle d'identité, et en reconnaît l'importance. Ce qui est vrai pour les chiffonniers du CAIRE me semble être vrai aussi pour les Français : nous avons aussi une identité, et nous ne pouvons ni la renier, ni la tordre. C'est pourquoi soeur Emmanuelle ne renierait sans doute pas ce que Henri HUDE appelle le droit naturel à la nation. Elle insiste aussi sur la coresponsabilité, sans laquelle il n'y a aucun respect de la nature humaine. Transposons chez nous ! Et voyons comment la multiplication des prestations sociales de tous ordres, des administrations chargées de les dispenser, des paperasseries qui les accompagnent, réduisent nombre de nos concitoyens à n'être que des spectateurs de leurs vie, alors que nous devrions en faire des acteurs
Dans les petits commentaires qu'elle fait de l'actualité, tous plus savoureux et humains les uns que les autres, s'appuyant sur cette notion d'identité et de tradition, elle dit à propos du mariage annulé pour cause de mensonge sur la virginité de la mariée :
Cette affaire de mariage annulé a fait grand bruit parce qu'on ne connaît pas l'Islam. Dans les pays musulmans, c'est impossible d'imaginer épouser une fille qui n'est pas vierge. [...] Ce que le tribunal français a entériné, c'est simplement qu'un mariage est valide si l'on ne cache rien à l'autre. Sur le fond, cette histoire ne me choque pas, parce que j'ai vécu longtemps en pays d'Islam. Bien sûr, cela révèle une inégalité de traitement entre les hommes et les femmes. (Et soeur Emmanuelle commente je ne dis pas que je l'approuve)
On ne peut pas refuser un tel témoignage. Et il m'apparaît évident que le marié n'aurait pas contracté mariage s'il avait su que sa future avait eu des relations sexuelles avec un ou des autres hommes. Là est le point. Et les juges ont eu raison de prendre en compte cet aspect des choses. La critique qui leur est faite est assez cocasse quand on connaît de quels cercles de pensée elle émane, cercles qui font de la liberté individuelle la clé de voûte de tout comportement humain. Pourquoi faudrait-il enchaîner celle-ci, au motif qu'on juge qualité inessentielle, secondaire, ringarde, antique, la virginité pré-conjugale. Ce que l'on pourrait exiger de l'homme, c'est qu'il en aille de même, et qu'un mensonge à sa future sur ce point, s'il était prouvé, pût entraîner l'annulation pour les mêmes motifs.
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