mercredi 9 octobre 2013

Nouvelles de la Résistance : nous défendons les libertés. Récit de la veillée du 8 octobre 2013...

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Antoine étant indisponible, c'est donc tout seul que je suis allé hier soir Place du Palais Royal pour la deuxième veillée de la semaine, organisée à la suite des graves violations des libertés publiques par les forces du désordre dans la soirée du 7 octobre. Mon témoignage est direct et véridique.
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Je suis arrivé en avance, à 20 h 40 exactement, sur la Place. Stationnent devant le Conseil d'Etat, 6 véhicules de la Gendarmerie, et un autre devant la Brasserie du Louvre. Il finira par se ranger sur la placette où se dresse la station de métro couverte de  verroterie que l'on essaye de nous faire prendre pour de l'art, mais qui est une quintessence de mauvais goût et de kitsch. Je suis inquiet, car il y a fort peu de monde et je crains que la veillée ne soit un four. Mes craintes se dissipent peu à peu, car vers 21 h, bien qu'il y ait moins de monde que la veille, nous serons assez nombreux pour former un groupe de 14 à 15 rangées de 18 à 20 personnes (j'ai compté approximativement) vers 21 h 30.
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Divers intervenants, dont AXEL, dans des contributions remarquables, expliquent qu'il ne s'agit pas de se venger des injustices commises à notre encontre la veille au soir. Il s'agit de défendre les libertés contre la plus petite atteinte qui pourrait être portées contre elles, quand bien même elle paraîtrait minime, car c'est ainsi que commence l'esclavage. Les atteintes à ces libertés ont été hier soir au nombre de trois : (a) embarquement d'un jeune très pacifique qui voulait rentrer dans le groupe mais en a été empêché et s'est  vu emmener très énergiquement, menottes au poing par deux membres des forces du désordre, dans un des véhicules de gendarmerie ; aucune infraction ne sera retenue contre lui et il sera libéré ; la détention est parfaitement arbitraire ; (b) séquestration sur la Place du Palais Royal de 40 veilleurs pendant plus d'une heure par un cordon de membres de force du désordre qui les ont empêchés de rentrer chez eux au moment de la dispersion ; (c) refus du commissariat du 8e (qui accueille les citoyens par un "nous sommes à votre service 24 h sur 24, 7 jours sur 7") d'enregistrer les plaintes individuelles des 35 veilleurs retenus contre leur gré, sans sommation, sans injonction (voir plus bas) et sans trouble à l'ordre public. Monsieur le commissaire MESSAGER est responsable de ce refus et normalement, il devrait au minimum être interrogé par le procureur auprès duquel les 35 veilleurs ont déposé une plainte pour refus d'enregistrement de plainte, droit pourtant garanti par la loi. Une veilleuse chante merveilleusement Freedom, CHARLES apprend aux hommes la deuxième voix du Chant de l'espérance. ALIX lit des extraits des Châtiments. Tout est paisible et, hormis trois gendarmes, restés dehors entre les deux véhicules de tête, il n'y a aucun membre visible des forces du désordre. Ils sont restés à l'intérieur de leur fourgon. Pendant cette soirée, il est beaucoup question de ce qu'est la conscience.
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C'est  alors que les choses vont se gâter. Vers 22 h 20, AXEL nous demande de prendre nos affaires pour nous déplacer. Nous traversons la rue de Rivoli, à hauteur de la galerie ouverte qui conduit à la pyramide du Louvre. Deux hommes en civil sont à la tête du cortège et s'engouffrent dans la galerie (un Veilleur aura eu le temps de les prendre en photo), et d'un seul coup, nous voyons surgir, comme des diables de leur boîte entre 30 et 40 membres des forces de désordre, appartenant aux CRS, cachés dans ladite galerie. Une partie des Veilleurs peut y rentrer, l'autre s'en voit barrer violemment l'accès par des CRS dont certains sont visiblement désireux d'en découdre. Ils nous repoussent violemment. A ce moment, sans que je puisse dire vraiment qui est responsable de la chose, je vois à terre une vieille dame, tout habillée de rouge, tenant ses cannes contre elle (elle est handicapée), coincée dans l'angle gauche de l'arche centrale de la galerie, entre le cordon de CRS, et le pilastre de cet arche. J'ai quand même le sentiment qu'elle a été bousculée par le CRS situé le plus à gauche du cordon. Je dis à celui qui se tient à son côté : "mais vous n'avez pas honte", et je le dis vraiment doucement. Le CRS le plus à gauche rétorque d'une voir rogue "Elle ne veut pas se lever" alors qu'elle m'avait dit peu avant : "Je ne peux pas me relever". Finalement, je la vois debout, et elle s'adresse avec virulence au CRS responsable putatif de sa chute : "C'est une honte", avec toutes les déclinaisons possibles de la honte (pour notre patrie, pour nos gouvernants, etc.). Quelques veilleurs côté Rivoli s'assoient  sur le trottoir, tandis que les Veilleurs côté galerie sont eux aussi assis et chantent. J'ai omis de souligner que lorsque les cordons de CRS nous ont barré l'accès à la galerie, il y a eu des cris ("dictature socialiste" notamment) et des huées, ce qui n'est pas tout à fait dans l'esprit des Veilleurs, mais est justifié par la brutalité et la violation du droit à circuler librement.
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Le cordon "Rue de Rivoli" est tenu par des hommes aux visages fermés ou butés pour certains, blêmes pour d'autres. Je me porte du côté de la petite arche de droite de la galerie. Il y a là un jeune CRS, sans calot sur la tête, il est tout seul et l'on pourrait le bousculer. Je m'adresse à lui, et je garantis l'authenticité de ses propos. Je résume les miens : "Vous avez une conscience ; vous savez que ces ordres sont illégaux" et il me répond : "Ma conscience je la laisse à la maison, ici j'obéis à l'autorité ; il y a trouble l'ordre public". Je ne sais comment il faut prendre cette réponse. Si c'est au pied de la lettre, c'est terrifiant pour l'avenir ; si c'est au second degré, du genre "Je n'ai pas le choix", c'est inquiétant. Survient alors un autre membre des forces du désordre. Il ferme la grille de la petite arche de droite. Je lui fais remarquer et lui presque en même temps que moi, que c'est lui maintenant qui est derrière les barreaux et prisonnier. Il est plein d'humour. Il s'approche de moi et me dis : "Je tiens à vous dire que nous sommes d'accord avec vous". Il me tend ses mains et je les lui sers. Je garantis l'absolue authenticité de ces propos dont je rapporte fidèlement l'esprit à défaut de la lettre, car ces moments sont des moments d'émotion pure et rare. Je prends alors à témoin plusieurs Veilleurs pour leur faire savoir ce qui vient de se passer, et s'ils me lisent, ils confirmeront. Je reviens devant le cordon de l'arche du milieu. Je dis à un homme qui semble être un gradé : "Ce que vous faites n'est pas légal, il n'y a pas eu de sommation, ni d'ordre de dispersion". Et il me répond : "Il y a eu une injonction". Et c'est là que j'apprends la différence entre une sommation et une injonction ; celle-ci est une interdiction dont la mise en œuvre semble être laissée à l'appréciation des gradés. Je vois sortir sans encombre de la galerie deux hommes, portant chacun un sac à dos qui se dirigent vers la bouche de métro. Ce sont manifestement des ou les policiers en civil qui avaient joué les agitateurs. D'autres personnes, non Veilleurs pourront aussi quitter la galerie. Je ne sais d'où elles viennent ni qui elles sont. Parmi elles, des étrangers. Entre temps, il y a encore eu cette Veilleuse qui a chanté Freedom. Je suppose qu'il y a eu des négociations entre AXEL et les imbéciles bernanosiens de la Préfecture de Police, car d'un seul coup, le cordon Rivoli s'ouvre et nous laisse rejoindre le groupe galerie. Il est 22 h 40 et la liberté de circuler étant (partiellement) retrouvée, je rentre, non sans avoir entendu un gendarme, posté entre le trottoir et la rue de Rivoli, sur un endroit signalé et protégé auparavant par des plots blancs et rouges, répondre à un Veilleur qui essayait de parler avec lui qu'il n'avait pas le temps de discuter.
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Ce qui est intéressant dans les réactions des forces de désordre, ce sont les sentiments divers que suscitent les ordres et contre-ordres de la hiérarchie politique : malaise, inconfort, compréhension, refus de dialogue, attitude humaine et conscience éveillée, ou attitude dite "professionnelle" qui rend les tenants de cette posture apte à toutes les violations.
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Si des Veilleurs lisent ce billet et étaient là hier soir, ils peuvent éventuellement ajouter leur témoignage. J'ai essayé d'être le plus factuel.
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Bonne journée et un conseil : allez consulter le site du Journal des Veilleurs qui raconte également comment se passent les veillées et illustrent de très belles photos. C'est un site remarquable, factuel, déterminé et d'une grande probité intellectuelle : http://www.lejdv.fr/
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