Comme
je l’avais dit lors de la publication du premier billet intitulé Lettre du
Pérou (1), je poursuis la publication de plusieurs extraits des lettres d’information
que Marie envoie régulièrement à ses amis. Bien entendu, je le fais avec son
autorisation expresse. Marie est une jeune volontaire partie au Pérou pour s’occuper
d’un Centre ouvert par les jésuites à des enfants pauvres et en difficulté à
Tacna, au Pérou. Le Centre répond au nom glorieux de Cristo Rey.
Marie
nous décrit ici, avec une grande justesse de ton, avec amour et empathie, ses
premiers contacts avec les enfants.
"
[…].
Comme
je suis arrivée samedi dernier, j’ai découvert un Centre silencieux. J’ai donc
pu me reposer deux jours avant de rencontrer les enfants. En effet, la maison des
volontaires se trouve dans le centre Cristo Rey ce qui est très confortable car
je n’ai qu’à traverser la cour pour me trouver sur mon lieu de travail. Quand je
suis arrivée, après un trajet épuisant (22 h de bus), trois volontaires m’attendaient
dans la maison : deux volontaires péruviennes Kelly & Milagros et une volontaire
du Pays Basque Ane : enfin, une Européenne ! Kelly & Milagros étaient assez
réservées quand je suis arrivée mais Ane m’a accueillie très chaleureusement Nous
nous sommes tout de suite très bien entendues. Je l’envie car la langue n’a pas
été un obstacle pour elle pendant sa mission ici qui a duré 3 mois. Mais Ane repartait
deux jours après. Elle m’a alors proposée de venir à une petite fête organisée par
les volontaires américaines qui travaillent dans le Centre mais vivent assez loin
de celui-ci. Là-bas, j’ai rencontré de supers volontaires avec des caractères bien
trempés, comme je les aime Comprendre les Péruviens est déjà un défi en soi mais
alors comprendre une Américaine qui parle en espagnol, c’est encore pire. Je vais peut-être leur demander
de me parler dans leur langue maternelle pour que je puisse améliorer mon anglais, peut-être même que je les comprendrais mieux !
Lundi 25 septembre fut un grand jour car je commençais enfin ma mission.
Je pense que les semaines à venir vont être à l’image de ces premiers jours, aussi
enrichissantes qu’épuisantes. La première matinée, j’ai d’abord rencontré de jeunes
élèves de 15ans qui devaient faire leurs devoirs car elles avaient école l’après-midi.
En effet, au Pérou les enfants n’ont école qu’une partie de la journée. J’ai donc
discuté avec elles pour apprendre à les connaître. Comme ont pu le constater d’autres
volontaires d’Inde, trouver le juste milieu avec des adolescents est assez compliqué.
Car elles n’ont pas conscience de la distance que nous devons avoir. Je dois donc
créer un équilibre nouveau qui n’est pas celui entre l’élève et le professeur mais
qui n’est pas non plus celui entre deux amis En effet, très rapidement elles m’ont
demandé mon Facebook/WhatsApp etc. Ce matin, l’une d’entre elles – absolument
fascinée par mes frères et sœur que j’avais en photos sur mon téléphone – a commencé
à parler par Messenger avec Antoine, l’un de mes frères. Elles sont d’ailleurs toutes
convaincues que mes frères sont acteurs de cinéma car ils sont grands et beaux.
Les Péruviens sont vraiment petits et les transports en commun ne sont pas adaptés
aux« gringos » : c’est ainsi que les latinos appellent les Américains
mais finalement nous sommes considérés de la même manière en tant qu’Européens.
L’après-midi a été bien plus musclée. J’ai découvert les petits Péruviens
entre 6 et 9 ans. Imaginez-vous une salle avec une vingtaine d’enfants assis (c’est
un bien grand mot) sur de grandes tables rondes adaptées à leur taille qui passent
leur temps à crier et à nous appeler. J’ai vécu un moment aussi surprenant qu’émouvant
à mon arrivée dans la salle. En effet, quand Gina – qui est responsable du programme
pour les enfants – m’a présentée aux enfants,
plusieurs se sont levés et sont venus m’enlacer alors qu’ils ne connaissaient
que mon prénom. Ces enfants sont aussi prenants qu’attachants. Ils sont aussi épuisants.
Les «profesora» fusent tous en même temps. Soit ils crient, soit ils chuchotent
quand ils veulent me dire quelque chose Ainsi, je dois d’abord gérer toutes les
demandes qui arrivent en même temps, leur apprendre à être patients, puis comprendre
ce qu’ils veulent me dire ce qui n’est pas une mince affaire car je ne connais pas
le vocabulaire du quotidien en espagnol.
Expliquer le principe de la soustraction en espagnol alors que ce n’est
déjà pas clair pour moi en français est un des défis que je dois relever au quotidien.
Mais malgré toute la peine que j’ai parfois et toute la fatigue que je peux ressentir,
je reste touchée par leur spontanéité et la confiance qu’ils m’accordent. Milagros
qui connaît chacune de leur histoire personnelle m’a expliqué que si ces enfants
sont au Centre, c’est parce que les écoles « normales »ne veulent pas
les accueillir parce qu’ils ont des parcours très difficiles et des histoires familiales
terribles Ainsi, derrière chaque enfant, il y a de très grandes blessures affectives
et des difficultés économiques. Et pourtant, aimer et faire confiance semblent être des élans
naturels chez eux. C’est très étrange et mystérieux.
Aujourd’hui,
j’ai de nouveau aidé les adolescentes à faire leurs devoirs Mais cette après-midi,
j’ai dû relever un autre défi. J’ai dû m’occuper de jeunes garçons et jeunes filles
de 12ans beaucoup plus agités et ça n’a pas été évident. Je peine à les comprendre
car ils parlent vite et tous en même temps, comme les enfants. Mais ils sont beaucoup
moins patients et peuvent être désobéissants. Moi qui suis plutôt autoritaire de
nature (je sais, c’est une découverte pour vous, je préférais vous l’apprendre d’ici),
je me suis sentie impuissante car je n’avais pas les mots pour dire ce que je voulais
et gérer mes émotions comme la colère qui montait et la patience qui diminuait.
Ainsi, des deux côtés, la douceur est à conquérir.
[…]."
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