Petit
récit ancien (28 avril 2013) à l’intention de Vincent, un ami alsacien qui dans
un commentaire de mon billet d’hier trouve que je dérive vers le triste et le
funèbre. (Ceux qui me connaissent, et il me connaît d’où la notion de dérive,
diraient plutôt que je suis un joyeux drille. Un bon médecin n’est pas celui
qui prescrit des médicaments, mais pose un bon diagnostic ; je reconnais
volontiers que j’ai un regard critique sur la société dans laquelle nous
vivons. J'appelle cela la lucidité. Mais bientôt, dans la lecture que nous ferons du livre de Jean-Claude
MICHÉA, Notre ennemi, le capital, il
vous sera loisible de conclure, comme il le fait, que la gôôôôche est tout
entière complice d’une société libérale, mondialisée, qui fait fi des hommes
concrets). Voici donc le récit, déjà publié sur ce blog et qui prouvera à Vincent qu'il m'arrive TRES SOUVENT de rire, à commencer de rire de moi-même.
"Un jour que j'étais de bonne humeur,
j'ai écrit la véritable histoire de Ninon de L'ENCLOS. Je vous la diffuse, en
souhaitant que vous ayez à la lire, autant de plaisir que j'ai eu à l'écrire.
Vous avez le droit de dire que ça vous a fait rire, en cette période où l'on
aurait tant de motifs d'être tristes ! Et à lundi prochain.
-
LA VÉRITABLE HISTOIRE DE
NINON DE LENCLOS.
______
Contrairement aux folliculaires et aux
plumitifs de tous poils qui rapportent sur Ninon de LENCLOS des propos
diffamatoires ou constellés d'erreurs, la pauvre enfant entretient d'étroits
rapports avec le malheur et l'Asie.
Ninon de LENCLOS, en réalité, était une
jeune princesse persane, fille de SHAH BOH TEH, lui-même fils de SHAH MEH
TEGHAL (dont la mère était légèrement auvergnate). Le père de la jeune
princesse avait eu la délicieuse idée de lui faire prendre les eaux à
SAMARCANDE, qui, à l'époque dont auquelle que j'vous parle, faisait partie de
l'Empire de Perse. Elle s'en alla donc, accompagnée d'une suite somptueuse de
suivantes, de soldats encuirassés jusqu'aux dents, de chameaux de Bactriane, et
de bouteille thermos remplies de thé à la menthe, car la chétive enfant ne
pouvait se passer de cette roborative boisson lorsqu'elle avait soif, notamment
dans l'affreux désert de KOUP'LAH CHICK qu'il lui fallait traverser avant
d'aborder aux eaux bouillonnantes et sulfureuses de SAMARCANDE.
Las ! c'était sans compter avec les hordes
mongoles dont les chefs, TAH MAL ODÖ et son frère GEHMAL OBADUDÖ, fondirent en
moins de temps qu'il ne faut à une motte de beurre pour se transformer en huile
au soleil de l'Asie Centrale, sur SAMARCANDE, se saisirent de la princesse et
l'emmenèrent par-delà les Monts du PAMIR, et les Montagnes Célestes dans leur
affreux pays. Ils s'en mordirent quelque peu les doigts, car la charmante
princesse passa le temps du voyage à leur griffer le visage et leur tirer les
cheveux, de sorte qu'ils arrivèrent déplumés et dépiautés des joues dans leur
village-capitale, un admirable assemblage de yourtes, un village nommé
SAKOLBIEN LAGLÜ. [On aura reconnu là, par la terminaison GLÜ, la nature tout à
fait mongole de ce village.]
Las encore et toujours ! c'était sans
compter avec les troupes du général CHA MA LO, qui, au service de l'Empereur de
Chine KIA LONGWU, avait pour mission de pourchasser ces hordes barbares. Un
jour qu'il prenait l'apéritif local, il entendit dans le lointain des cris
déchirants, une plainte longue, lugubre et quelque peu stridulante. Son sang ne
fit qu'un tour et son cheval aussi. S'écriant HARO, HARO (qui se prononce un
peu comme "HALO, HALO"), il galopa – bien qu'il eût une jambe de bois
– en direction de la plainte. Et, après une chevauchée fantastique, il parvint
au lieu où s'épanchait la princesse qui prenait en même temps son bain dans un
lac d'eau salée. Révolté par le spectacle de cette beauté réduite en esclavage,
désireux aussi de savoir ce qu'étaient ces mystérieux récipients au goulot
desquels goulûment la princesse buvait (du koumys, hélas, car de thé à la
menthe point il n'y avait), il fondit (lui aussi) sur l'une et les autres, et,
plaçant la princesse entre l'encolure de son cheval et sa jambe de bois, et les
thermos dans son sac à dos, aussi rapide que la flèche, il repartit d'où il
venait. La princesse s'efforça sans succès de griffer la jambe de son ravisseur
; ça ne lui faisait rien [de là l'expression "un cautère sur une jambe de
bois", car brûlant de hargne et de rage, la princesse avait de la fièvre].
Bref, je passe. On arriva à la Cour. L'Empereur, charmé par la beauté de la
princesse eut la bonté de l'intégrer dans son harem, et commença d'apprendre le
persan. Il lui paraissait inconvenant d'entreprendre quoi que ce fût auprès de
la jeune beauté, sans pouvoir comprendre ce qu'elle désirait lui signifier.
Tout de même l'Empereur lui donna un nom chinois : ce fut FA SIDO
Las et las de plus en plus ! c'était
sans compter avec les jésuites, arrivés secrètement et depuis fort longtemps
dans le Céleste Empire. Brûlant d'un zèle missionnaire en tous points digne
d'éloge, désireux de protéger la vertu de la princesse qui n'en demandait pas
tant, ils parvinrent nuitamment à l'extraire du harem, et la firent secrètement
embarquer sur un navire portugais en partance pour l'Europe, et dont les
armateurs avaient fait de riches affaires en vendant des épices venues des
MOLLE UQUES (et non point MOLUQUES comme on le dit bêtement, faute de s'être
renseigné auprès de qui de droit). Bref, ils partirent. La délicieuse princesse
prenait le frais sur le pont du navire. Les marins, et les matelots, dont
certains étaient français, la regardaient avec des yeux grands comme des
soucoupes, mais n'osaient s'en approcher, car elle s'était laissé pousser les
ongles qu'elle avait maintenant fort longs (au moins quinze centimètres) et
qu'elle affûtait régulièrement avec de la toile émeri, de sorte qu'ils étaient
devenus des rasoirs. Et on leur avait raconté les joues des Mongols. Le bateau
arriva à LISBONNE.
Las, las, las ! c'était sans compter
avec les matelots français. À peine débarqués, ils dépêchèrent un courrier à
FONTAINEBLEAU, résidence ordinaire du Long Nez, en vantant les mérites de la
princesse, et cherchant par là à monnayer leurs informations. Subjugué par le
portrait (les chinois avait inventé le polaroid ; ça personne ne le dit. Les
astucieux français en avaient dérobé un et tiré un cliché de FA SIDO), François
Ier dépêcha alors quelques spadassins, sur le retour certes, mais encore
vaillants, en les priant de ramener la princesse vive ou vive (morte ou vive ne
faisait pas bien l'affaire). Arrivés au port (partis à 50 ils y arrivèrent à 22
; les chroniques du temps sont formelles), ils se saisirent de la princesse avec
délicatesse. Celle-ci avait quelques rudiments de français, depuis qu'un
matelot de notre patrie, assez bien tourné ma fois, avait pu s'approcher d'elle
pendant la traversée (j'ai dit "approcher"). Aussi criait-elle NI OUI
! NI NON ! La langue persane ne connaît point le phonème OUI. Le ni oui était
faiblement articulé, tandis que le ni non l'était avec clarté, force et
persuasion (persuasion surtout). Le Roi n'y tint plus et quand il la vit, il
lui coupa les ongles et lui fit son affaire. Comme la pauvre enfant avait été
captive d'abord dans un enclos mongol où l'on parquait les chevaux, lui est
resté le nom de NINON (voir plus haut) de L'ENCLOS (voir plus haut aussi).
Telle est l'histoire véridique, malheureuse et asiatique de l'héroïne."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire