mardi 21 novembre 2017

21 novembre 2017. Note brève. Ni triste, ni funèbre Vincent ! Lucide !

Petit récit ancien (28 avril 2013) à l’intention de Vincent, un ami alsacien qui dans un commentaire de mon billet d’hier trouve que je dérive vers le triste et le funèbre. (Ceux qui me connaissent, et il me connaît d’où la notion de dérive, diraient plutôt que je suis un joyeux drille. Un bon médecin n’est pas celui qui prescrit des médicaments, mais pose un bon diagnostic ; je reconnais volontiers que j’ai un regard critique sur la société dans laquelle nous vivons. J'appelle cela la lucidité. Mais bientôt, dans la lecture que nous ferons du livre de Jean-Claude MICHÉA, Notre ennemi, le capital, il vous sera loisible de conclure, comme il le fait, que la gôôôôche est tout entière complice d’une société libérale, mondialisée, qui fait fi des hommes concrets). Voici donc le récit, déjà publié sur ce blog et qui prouvera à Vincent qu'il m'arrive TRES SOUVENT de rire, à commencer de rire de moi-même.

"Un jour que j'étais de bonne humeur, j'ai écrit la véritable histoire de Ninon de L'ENCLOS. Je vous la diffuse, en souhaitant que vous ayez à la lire, autant de plaisir que j'ai eu à l'écrire. Vous avez le droit de dire que ça vous a fait rire, en cette période où l'on aurait tant de motifs d'être tristes ! Et à lundi prochain.
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LA VÉRITABLE HISTOIRE DE NINON DE LENCLOS.
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Contrairement aux folliculaires et aux plumitifs de tous poils qui rapportent sur Ninon de LENCLOS des propos diffamatoires ou constellés d'erreurs, la pauvre enfant entretient d'étroits rapports avec le malheur et l'Asie.

Ninon de LENCLOS, en réalité, était une jeune princesse persane, fille de SHAH BOH TEH, lui-même fils de SHAH MEH TEGHAL (dont la mère était légèrement auvergnate). Le père de la jeune princesse avait eu la délicieuse idée de lui faire prendre les eaux à SAMARCANDE, qui, à l'époque dont auquelle que j'vous parle, faisait partie de l'Empire de Perse. Elle s'en alla donc, accompagnée d'une suite somptueuse de suivantes, de soldats encuirassés jusqu'aux dents, de chameaux de Bactriane, et de bouteille thermos remplies de thé à la menthe, car la chétive enfant ne pouvait se passer de cette roborative boisson lorsqu'elle avait soif, notamment dans l'affreux désert de KOUP'LAH CHICK qu'il lui fallait traverser avant d'aborder aux eaux bouillonnantes et sulfureuses de SAMARCANDE.

Las ! c'était sans compter avec les hordes mongoles dont les chefs, TAH MAL ODÖ et son frère GEHMAL OBADUDÖ, fondirent en moins de temps qu'il ne faut à une motte de beurre pour se transformer en huile au soleil de l'Asie Centrale, sur SAMARCANDE, se saisirent de la princesse et l'emmenèrent par-delà les Monts du PAMIR, et les Montagnes Célestes dans leur affreux pays. Ils s'en mordirent quelque peu les doigts, car la charmante princesse passa le temps du voyage à leur griffer le visage et leur tirer les cheveux, de sorte qu'ils arrivèrent déplumés et dépiautés des joues dans leur village-capitale, un admirable assemblage de yourtes, un village nommé SAKOLBIEN LAGLÜ. [On aura reconnu là, par la terminaison GLÜ, la nature tout à fait mongole de ce village.]

Las encore et toujours ! c'était sans compter avec les troupes du général CHA MA LO, qui, au service de l'Empereur de Chine KIA LONGWU, avait pour mission de pourchasser ces hordes barbares. Un jour qu'il prenait l'apéritif local, il entendit dans le lointain des cris déchirants, une plainte longue, lugubre et quelque peu stridulante. Son sang ne fit qu'un tour et son cheval aussi. S'écriant HARO, HARO (qui se prononce un peu comme "HALO, HALO"), il galopa – bien qu'il eût une jambe de bois – en direction de la plainte. Et, après une chevauchée fantastique, il parvint au lieu où s'épanchait la princesse qui prenait en même temps son bain dans un lac d'eau salée. Révolté par le spectacle de cette beauté réduite en esclavage, désireux aussi de savoir ce qu'étaient ces mystérieux récipients au goulot desquels goulûment la princesse buvait (du koumys, hélas, car de thé à la menthe point il n'y avait), il fondit (lui aussi) sur l'une et les autres, et, plaçant la princesse entre l'encolure de son cheval et sa jambe de bois, et les thermos dans son sac à dos, aussi rapide que la flèche, il repartit d'où il venait. La princesse s'efforça sans succès de griffer la jambe de son ravisseur ; ça ne lui faisait rien [de là l'expression "un cautère sur une jambe de bois", car brûlant de hargne et de rage, la princesse avait de la fièvre]. Bref, je passe. On arriva à la Cour. L'Empereur, charmé par la beauté de la princesse eut la bonté de l'intégrer dans son harem, et commença d'apprendre le persan. Il lui paraissait inconvenant d'entreprendre quoi que ce fût auprès de la jeune beauté, sans pouvoir comprendre ce qu'elle désirait lui signifier. Tout de même l'Empereur lui donna un nom chinois : ce fut FA SIDO

Las et las de plus en plus ! c'était sans compter avec les jésuites, arrivés secrètement et depuis fort longtemps dans le Céleste Empire. Brûlant d'un zèle missionnaire en tous points digne d'éloge, désireux de protéger la vertu de la princesse qui n'en demandait pas tant, ils parvinrent nuitamment à l'extraire du harem, et la firent secrètement embarquer sur un navire portugais en partance pour l'Europe, et dont les armateurs avaient fait de riches affaires en vendant des épices venues des MOLLE UQUES (et non point MOLUQUES comme on le dit bêtement, faute de s'être renseigné auprès de qui de droit). Bref, ils partirent. La délicieuse princesse prenait le frais sur le pont du navire. Les marins, et les matelots, dont certains étaient français, la regardaient avec des yeux grands comme des soucoupes, mais n'osaient s'en approcher, car elle s'était laissé pousser les ongles qu'elle avait maintenant fort longs (au moins quinze centimètres) et qu'elle affûtait régulièrement avec de la toile émeri, de sorte qu'ils étaient devenus des rasoirs. Et on leur avait raconté les joues des Mongols. Le bateau arriva à LISBONNE.

Las, las, las ! c'était sans compter avec les matelots français. À peine débarqués, ils dépêchèrent un courrier à FONTAINEBLEAU, résidence ordinaire du Long Nez, en vantant les mérites de la princesse, et cherchant par là à monnayer leurs informations. Subjugué par le portrait (les chinois avait inventé le polaroid ; ça personne ne le dit. Les astucieux français en avaient dérobé un et tiré un cliché de FA SIDO), François Ier dépêcha alors quelques spadassins, sur le retour certes, mais encore vaillants, en les priant de ramener la princesse vive ou vive (morte ou vive ne faisait pas bien l'affaire). Arrivés au port (partis à 50 ils y arrivèrent à 22 ; les chroniques du temps sont formelles), ils se saisirent de la princesse avec délicatesse. Celle-ci avait quelques rudiments de français, depuis qu'un matelot de notre patrie, assez bien tourné ma fois, avait pu s'approcher d'elle pendant la traversée (j'ai dit "approcher"). Aussi criait-elle NI OUI ! NI NON ! La langue persane ne connaît point le phonème OUI. Le ni oui était faiblement articulé, tandis que le ni non l'était avec clarté, force et persuasion (persuasion surtout). Le Roi n'y tint plus et quand il la vit, il lui coupa les ongles et lui fit son affaire. Comme la pauvre enfant avait été captive d'abord dans un enclos mongol où l'on parquait les chevaux, lui est resté le nom de NINON (voir plus haut) de L'ENCLOS (voir plus haut aussi). Telle est l'histoire véridique, malheureuse et asiatique de l'héroïne."


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