Voici
quelques extraits de la lettre que Marie, partie au Pérou comme volontaire dans
un centre pour enfants pauvres de TACNA, le centre Cristo Rey vient de nous envoyer. Notez que Marie utilise souvent l’expression
« mon pays » tout comme le faisait BERNANOS quand il était en exil eu
Brésil.
"[…].
Je
continue d’espérer que chacun d’entre vous se porte bien, je pense particulièrement
aux volontaires car les défis de cette dernière semaine ont touché au cœur du volontariat.
Je pense bien à chacun d’entre vous et vous souhaite de vivre ces défis avec un
cœur lucide et patient. Je pense à vous quand je lis dans le bus, quand je
découvre de nouveaux mots, de nouvelles images. Je viens de finir un très beau petit
livre de Christian Bobin, Le Très-Bas
qui est une réflexion sur la vie de François d’Assise. Je vous partage quelques
unes de ces lignes car elles disent le mystère de la vie, même péruvienne !«
Voilà la thèse du monde. Voilà sa pensée misérable du vivant : une lueur qui tremble
en son aurore et ne sait plus que décliner. C’est cette thèse qu’il te faut renverser.
Partir une deuxième fois et que cette fois soit plus neuve encore que la première,
plus radicalement, plus amoureusement neuve. Les hommes vont en aveugles dans leur
vie. Les mots sont leurs cannes blanches. Ils préviennent des obstacles, donnent
première forme à leur sang.» Bon je m’arrête là, je n’écris pas une dissert de philosophie
mais avouez que je ne peux pas garder ça pour moi…
[…].
Les moments de partage, d’interculturalité sont de plus en plus nombreux
et je m’en réjouis. Alejandro, qui est un pratiquant en psychologie qui travaille
au centre, m’a un jour demandé de lui faire découvrir les musiques françaises et
les films de mon pays qui étaient importants pour moi. Ce fut un moment très fort,
car en quelques minutes, Barbara a rempli le bureau de sa présence et les sous-titres
espagnols lui ont permis d’en comprendre le sens et de saisir aussi la portée poétique
et psychologique des paroles. Je lui ai également montré le passage des Hommes
et des Dieuxoù les frères écoutent, assis autour de la table, la musique du
Lac des Cygnes, sans prononcer une seule parole. Ce fut un très beau
moment d’échange. Si Alejandro est un garçon très discret et silencieux, quasi absent
en groupe, je reste fidèle à ce moment de partage qui m’a beaucoup ému. Vous allez
me dire que je me répète, mais la communion des esprits, c’est vraiment quelque
chose de très fort ,vous savez.
[…].
Enfin, je comprends mieux chaque jour que si je viens d’un autre pays et
que je suis épaisse d’une autre culture, pour autant, c’est avant tout moi en tant
que personne qui vient à la rencontre d’un peuple. Je ne peux pas représenter les
Français de mon pays à l’étranger. Les Péruviens ne peuvent pas saisir ce que sont
les Français à travers moi, tout simplement parce que très peu de Français seraient
prêts à quitter leur pays, leur famille et leurs amis pour aller vivre seule en
terre inconnue pendant une durée déterminée. Il peut donc y avoir une double solitude.
Dans mon pays car tout le monde ne comprend pas cet envoi et sur place quand le
Péruvien ne cherche qu’à saisir et vérifier les clichés de mon pays. Notre place
de gringas est donc aussi mouvante et riche que difficile !
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