dimanche 19 novembre 2017

19 novembre 2017. Lettre du Pérou (3)

Voici quelques extraits de la lettre que Marie, partie au Pérou comme volontaire dans un centre pour enfants pauvres de TACNA, le centre Cristo Rey vient de nous envoyer. Notez que Marie utilise souvent l’expression « mon pays » tout comme le faisait BERNANOS quand il était en exil eu Brésil.

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Je continue d’espérer que chacun d’entre vous se porte bien, je pense particulièrement aux volontaires car les défis de cette dernière semaine ont touché au cœur du volontariat. Je pense bien à chacun d’entre vous et vous souhaite de vivre ces défis avec un cœur lucide et patient. Je pense à vous quand je lis dans le bus, quand je découvre de nouveaux mots, de nouvelles images. Je viens de finir un très beau petit livre de Christian Bobin, Le Très-Bas qui est une réflexion sur la vie de François d’Assise. Je vous partage quelques unes de ces lignes car elles disent le mystère de la vie, même péruvienne !« Voilà la thèse du monde. Voilà sa pensée misérable du vivant : une lueur qui tremble en son aurore et ne sait plus que décliner. C’est cette thèse qu’il te faut renverser. Partir une deuxième fois et que cette fois soit plus neuve encore que la première, plus radicalement, plus amoureusement neuve. Les hommes vont en aveugles dans leur vie. Les mots sont leurs cannes blanches. Ils préviennent des obstacles, donnent première forme à leur sang.» Bon je m’arrête là, je n’écris pas une dissert de philosophie mais avouez que je ne peux pas garder ça pour moi…
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Les moments de partage, d’interculturalité sont de plus en plus nombreux et je m’en réjouis. Alejandro, qui est un pratiquant en psychologie qui travaille au centre, m’a un jour demandé de lui faire découvrir les musiques françaises et les films de mon pays qui étaient importants pour moi. Ce fut un moment très fort, car en quelques minutes, Barbara a rempli le bureau de sa présence et les sous-titres espagnols lui ont permis d’en comprendre le sens et de saisir aussi la portée poétique et psychologique des paroles. Je lui ai également montré le passage des Hommes et des Dieuxoù les frères écoutent, assis autour de la table, la musique du Lac des Cygnes, sans prononcer une seule parole. Ce fut un très beau moment d’échange. Si Alejandro est un garçon très discret et silencieux, quasi absent en groupe, je reste fidèle à ce moment de partage qui m’a beaucoup ému. Vous allez me dire que je me répète, mais la communion des esprits, c’est vraiment quelque chose de très fort ,vous savez.
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Enfin, je comprends mieux chaque jour que si je viens d’un autre pays et que je suis épaisse d’une autre culture, pour autant, c’est avant tout moi en tant que personne qui vient à la rencontre d’un peuple. Je ne peux pas représenter les Français de mon pays à l’étranger. Les Péruviens ne peuvent pas saisir ce que sont les Français à travers moi, tout simplement parce que très peu de Français seraient prêts à quitter leur pays, leur famille et leurs amis pour aller vivre seule en terre inconnue pendant une durée déterminée. Il peut donc y avoir une double solitude. Dans mon pays car tout le monde ne comprend pas cet envoi et sur place quand le Péruvien ne cherche qu’à saisir et vérifier les clichés de mon pays. Notre place de gringas est donc aussi mouvante et riche que difficile !

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