Madame,
Dans
les « entrecolonnements bréneux » (pour reprendre une expression de Léon
BLOY), du journal Le Monde, vous accouchez péniblement d’un article intitulé « La nouvelle
cathosphère ». Il est tout à fait clair que vous n’en faites pas partie,
ce que la sphère en question (dont je me réclame sans être jeune hélas !)
tient à honneur.
Non
sans humour, sans doute involontaire car il ne semble pas que ce soit là votre
qualité principale, vous affirmez avec un aplomb imperturbable : « Selon
eux [les jeunes catholiques diplômés], les chrétiens ne doivent pas s’adapter
au monde, mais adapter le monde à leur vérité ». Je ne sais pas où vous
avez péché cette énormité, allons, risquons le mot, cette imbécillité. Faut-il
vous rappeler les paroles de Jésus : « Vous n’êtes pas du monde » ? Faut-il vous rappeler que Jésus est le premier des hommes à avoir
fait la distinction entre ce qui est dû à César et ce qui est dû à Dieu. C’est
vous, madame, qui puisez dans votre « boîte à outils » les vieux
clichés du petit père COMBES, les recommandations rancies du Grand Orient, les
accusations, les sous-entendus, les petits traits de l’anticléricalisme de
pacotille ou plus exactement de l'anticatholicisme subrepticement haineux, des traits qui se veulent acérés mais qui manquent leur but car ils sont émoussés par l'usure du temps et des mots.
Si
vous aviez un tant soit peu de culture, vous sauriez, par exemple, que BERNANOS
avait rompu avec MAURRAS, tout en restant monarchiste, que le général de GAULLE
avait voulu en faire un ministre de la culture quand l'écrivain rentra du BRESIL, et
que Léon BLUM (qui avait applaudi aux accords de MUNICH) n’a pas eu le courage
de dénoncer les complicités de la droite et d’un certain clergé espagnol avec
le franquisme. Celui-ci n’était pas en reste de cruauté avec les Républicains,
certes, mais ces derniers ne se réclamaient pas du Christ. C’est BERNANOS qui, Dans les grands cimetières sous la lune,
a dénoncé ces crimes commis au nom d’un ordre qui n’avait pas lieu d’être
instauré en ce monde : celui du contrôle de la société par un clergé sans
aucun doute zélé, mais parfaitement rétrograde et ennemi de la vraie charité.
Accabler Rémi BRAGUE, Chantal DELSOL ou Jean-Luc MARION de ce qui vous semble être la
suprême accusation, "être catholique" montre à quel degré de petitesse vous en êtes réduite. Vous
avez le droit de n’être pas d’accord. Mais expliquez pourquoi. Dites-nous en
quoi la Loi positive, celle qui met l’homme au sommet de tout, y compris de sa
propre finitude, est supérieure à ce qu’enseigne l’expérience, y compris celle de la science.
Voyez-vous
madame, la vérité est ce qui est, non pas ce que pensent les idéologues. La
vérité, c’est que les hommes veulent être aimés, veulent aimer, cherchent dans l’amour
à combler leur désir d’infinitude, vous comme moi. Et si vous aviez le moindre commencement de
début d’avant-projet de proposition de désir de vous cultiver, vous liriez Claude
TRESMONTANT, vous verriez que le matérialisme, dont se réclame le monde moderne,
repose sur un ensemble de présupposés métaphysiques, dont l’aséité de la
matière, laquelle suppose qu’elle est éternelle, ce qui est parfaitement
contraire à ce que nous apprend l’expérience.
C’est
vous, madame, qui voulez nous faire prendre le monde pour ce qu’il n’est pas,
qui vous bandez l’œil gauche pour ne voir que de l’œil droit ce qui vous semble
être en contradiction avec la ligne éditoriale du journal dont vous tirez votre
pitance. Tout cela est pitoyable, et ne mériterait pas la moindre considération
si vous ne tentiez pas de nous faire prendre pour la vérité, les fruits de l'amère pensée de l'idéologie dominante.
J’ai
bien l’honneur, madame, de vous saluer en ajoutant à mes salutations, l’expression
de mes hommages amicaux (si ! c’est vrai, car vous m’êtes sœur en humanité)
mais néanmoins très affligés.
Philippe POINDRON.
Professeur honoraire des
Universités.
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